20.4.10

La biodiversité sur les terrains vagues

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Danielle Dagenais a suivi de près les travaux d’installation du toit vert de la Faculté de l’aménagement.

Danielle Dagenais a suivi de près les travaux d’installation du toit vert de la Faculté de l’aménagement.

Si les écosystèmes urbains avaient un symbole aviaire, ce serait le rougequeue noir, aussi appelé «rossignol des murailles» (Phoenicurus ochruros). Ce passereau originaire des sols arides et rocheux des Alpes a été aperçu pour la première fois à Londres en 1926. Puis, sa population a connu des hauts et des bas jusqu'aux... bombardements de la Deuxième Guerre mondiale. Subitement, ses sites de nidification se sont multipliés. L'oiseau ne pouvait espérer mieux que les débris de béton et de ciment à travers les ruines pour construire son nid.

Mais, avec le temps, on a fini par ramasser les décombres et reverdir les lieux, privant l'oiseau de son «écosystème». Autour de la City, Sheffield, Birmingham, Nottingham et Ipswich comptaient moins de 33 couples nicheurs dans les années 90. On craignait pour la survie de l'espèce dans la région. Jusqu'à ce que le Black Redstart Action Plan soit mis en place. «Les Londoniens se sont promis de redonner à leur oiseau son écosystème et tout indique qu'ils sont en train de relever le défi», commente Danielle Dagenais, chercheuse associée à la Chaire en paysage et environnement de l'Université de Montréal et à la Chaire UNESCO en paysage et environnement, qui s'intéresse aux «écosystèmes urbains non traditionnels».

Mme Dagenais s'est rendue dans le quartier de Deptford Creek, au bord de la Tamise, où les ornithologues ont reconstitué le milieu naturel du rougequeue noir sur les toits des bâtiments. Le Laban Dance Center, des architectes Herzog & de Meuron, assure à lui seul 400 m2 de ces aires qui totalisent 1000 m2 en tout. Une surface qu'on veut doubler au cours des prochaines années. L'écosystème ne paie pas de mine: des cailloux et des gravats jonchent le sol et la végétation peine à s'y enraciner. On ne parle même pas de toits verts mais de «toits bruns» (brown roofs)...

Ce terrain vague, aux abords de la rue Casgrain, près du viaduc Rosemont-Van Horne, n’a pas empêché un cerisier de Virginie de s’épanouir. Selon des études publiées au Royaume-Uni, de tels terrains colonisés par une végétation spontanée peuvent receler une biodiversité entomologique et ornithologique d’intérêt.

Ce terrain vague, aux abords de la rue Casgrain, près du viaduc Rosemont-Van Horne, n’a pas empêché un cerisier de Virginie de s’épanouir. Selon des études publiées au Royaume-Uni, de tels terrains colonisés par une végétation spontanée peuvent receler une biodiversité entomologique et ornithologique d’intérêt.

Qu'à cela ne tienne, des couples de plus en plus nombreux de rougequeues noirs ont été aperçus, affairés à la construction de leur nid. Sur le site blackredstarts.org.uk, on se réjouit du succès entourant ce cas rare de commensalisme chez les oiseaux du pays.

Mystère sur Montréal

À l'occasion du Sommet sur la biodiversité et le verdissement de Montréal, qui aura lieu les 27 et 28 avril, Mme Dagenais donnera une conférence sur son sujet d'étude: «Nouveaux espaces verts, nouvelle biodiversité à Montréal.» Il n'y sera pas question des grands parcs de la métropole, du mont Royal et autres lieux aménagés, mais plutôt de terrains vagues, d'abords de chemins de fer... Tous ces sites qui semblent laissés à l'abandon par les citoyens et les employés municipaux.

On devrait tout d'abord mieux connaitre ces lieux, dont on ignore pour ainsi dire le potentiel sur le plan de la biodiversité. «Il ne s'agit pas de remettre en question l'importance des aires protégées, indique Mme Dagenais, mais de souligner que la biodiversité, c'est beaucoup plus que ce qu'on pense généralement.»

Depuis plusieurs années, des recherches conduites dans diverses villes du monde ont démontré la richesse de la flore ou de la faune des milieux non traditionnels comme les toits végétalisés, les sites industriels abandonnés et les systèmes de gestion des eaux pluviales, explique-t-elle. À Montréal, les toits verts sont encore très marginaux (son équipe en a recensé une cinquantaine), et les eaux de pluie, sur le territoire municipal, prennent encore le chemin des égouts. De sorte que les études sur ces espaces en friche sont presque inexistantes.

La communication de Mme Dagenais vise à stimuler une réflexion à la fois sur la valeur des espaces verts dans la gestion de la biodiversité et sur leur potentiel de développement à Montréal.

Une population mondiale urbaine

Danielle Dagenais sera la seule représentante de l'Université de Montréal au sommet des prochains jours, mais plusieurs figures majeures de la biodiversité seront présentes. Ahmed Djoghlaf, secrétaire de direction de la Convention sur la diversité biologique, prononcera la conférence d'ouverture; le maire de Montréal, Gérald Tremblay, prendra la parole le 28 avril; et Alan DeSousa, vice-président du comité exécutif et responsable du développement durable, de l'environnement et des parcs à la Ville de Montréal, participera aussi à la rencontre. Des spécialistes du Canada, des États-Unis, de Belgique, des Pays-Bas, d'Angleterre et d'Allemagne y sont attendus.

En janvier dernier, Mme Dagenais a pris part à la conférence inaugurale de l'Année internationale de la biodiversité au siège social de l'UNESCO, à Paris. Elle mentionne qu'une des recommandations formulées (qui porte le numéro 26) traite de l'importance de la biodiversité en milieu urbain. «La biodiversité de l'environnement urbain, où on retrouve désormais plus de 50 % de la population mondiale, doit être inventoriée, conservée et valorisée afin d'améliorer les interactions humains-nature si essentielles», peut-on lire.

Ce qui est important, en biologie, c'est la variété des habitats, signale la spécialiste qui a fait un baccalauréat en agronomie avant de se tourner vers le génie de l'environnement (maitrise à l'École Polytechnique en 1986) puis vers l'aménagement (doctorat en 2006). Elle donne des cours à l'Université de Montréal depuis près de 10 ans et a obtenu un poste de professeure à temps plein en 2007. Pendant six ans, Danielle Dagenais a tenu une chronique horticole au journal Le Devoir.

En tant que spécialiste des toits verts (voir Forum du 25 mai 2009, «Comment favoriser les toits verts»), elle a suivi de près les travaux d'installation des surfaces végétalisées sur le bâtiment de la Faculté de l'aménagement. Elle est responsable de la gestion de ce toit où quelques espèces indigènes ont déjà commencé à prendre racine

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